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couverture du livre La femme sans nom écrit par Kalmar Pierre

Kalmar Pierre La femme sans nom

66 pages
A5 : 14.8 x 21 cm
sur papier 80 g bouffant ivoire
Style litteraire : Littéraire
Numéro ISBN : 978-2-919341-15-3

3.50 € TTC

Frais de port inclus France
Métropolitaine uniquement

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Présentation de Kalmar Pierre
éditeur de La femme sans nom


Pierre Kalmar a composé des romans, des recueils de souvenirs, des volumes à caractère historique ainsi que des ouvrages qui traitent de curiosités régionales, ces derniers en collaboration avec Denis Chassain.

Ses romans, qui s’adressent à des personnes sensibles et non conformistes, explorent le fantastique et le merveilleux, porteurs d’une valeur symbolique. Une place prépondérante est accordée à l’évolution psychologique des personnages. Le présent volume est un drame psychologique situé dans le Puy-de-Dôme.

Présentation de La femme sans nom


Lorsqu’elle parvint au lac, l’air fraîchit et vint doucement la caresser. Elle s’en voulut presque d’éprouver du plaisir. Elle dépassa la grande auberge, puis le Guéry lui apparut dans toute sa majestueuse sérénité. Elle s’interrompit pour l’admirer. Son bleu avait encore changé. Il faisait grand jour à présent.

De nombreux pêcheurs avaient installé leurs lignes ; le soleil illuminait les frondaisons ; beaucoup de voitures traversaient le col. Devait-elle renoncer ? Elle regrettait d’avoir dû vendre son véhicule. En venant en voiture, la rapidité du trajet ne lui aurait pas laissé le temps de réfléchir, et réfléchir brise parfois les plus fermes résolutions. Cependant, elle était encore bien décidée. Elle se dirigea vers la partie du lac située à l’opposé de la route afin de mieux passer inaperçue.

Elle s’assit sur la berge et absorba une nouvelle dose de médicaments. Par chance, ceux qu’elle avait ingurgités ne l’avaient pas encore endormie et commençaient seulement à produire leur effet. Elle puisa de l’eau afin d’avaler les comprimés. Elle s’allongea et attendit quelques instants. L’image de la fenêtre lui revint en tête. Lorsque ses paupières lui parurent lourdes et qu’elle se rendit compte qu’elle allait s’endormir, elle se leva, chancelant un peu, et pénétra dans le lac.


Extrait du livre écrit par Kalmar Pierre


Quand elle s’aperçut qu’elle avait oublié sa bouteille d’eau, elle faillit rebrousser chemin ; mais elle y renonça, tant son geste lui parut insensé.

Sous le pont du chemin de fer, la Dordogne faisait entendre son habituel murmure. Elle la revit mentalement en crue, charriant des torrents de boue.

Elle poussa la grille et remonta la rue des Chasseurs Alpins qui jouxtait une fastueuse gare mille neuf cent.

La nuit commençait à s’estomper, mais les étoiles parsemaient encore le ciel. Quelques oiseaux lançaient de timides appels. On percevait le ronronnement des voitures de la route menant à La Bourboule. Les montagnes se détachaient en une masse noire et inquiétante. Il faisait frais, l’air était doux.

Elle longea le mur du cimetière, passa devant le petit square non loin d’une borne décorée d’un visage de femme au nez camard.

Elle obliqua à gauche dans une ruelle en épingle à cheveux qui lui permettrait d’atteindre la rue du Maréchal Leclerc.

C’est alors qu’elle sursauta : un vieil homme, immobile et silencieux, était assis sur un muret, à l’angle de la rue Jean Banc et de l’avenue des Belges ; la nuit l’avait masqué. Elle ne put distinguer son visage et ne le salua pas. À quoi bon ? Il n’aurait fait que la retarder s’il avait eu le malheur d’engager la conversation. Peut•être lui aurait•il fait perdre sa détermination.

Elle poursuivit son chemin et passa devant la porte qui ouvre sur l’arrière du cimetière. Elle l’avait visité à plusieurs reprises depuis son arrivée au Mont•Dore. Elle avait remarqué sur quelques tombes des rosiers centfeuilles francs de pied qui drageonnaient. Cette découverte l’avait projetée des dizaines d’années en arrière. Elle s’était revue, petite fille, contemplant la profusion de petits choux aux cœurs serrés de pétales.
Elle se demanda qui pouvait bien être Jean Banc ; puis elle haussa les épaules : le savoir ne présentait aucun intérêt pour elle.

Quand on réfléchissait, tout paraissait illusoire. Le simple fait d’exister était absurde.
Elle avisa le Puy Gros, figure immuable, point de repère autrefois rassurant, puis gagna la rue du Maréchal Leclerc, calme et illuminée.

Elle lut machinalement les plaques fixées sur deux façades : Les Camélias ; La Caravelle. Comme cette attitude lui paraissait vaine ! Elle se souvenait avoir déchiffré ces enseignes. Elle se trouvait alors dans un autre état d’esprit. Elle partait gaiement en randonnée, la tête pleine d’espoirs et de bonnes pensées.

Elle remarqua une fenêtre éclairée et ne put s’empêcher d’observer la pièce ainsi révélée. Elle y découvrit un mur orné de photos encadrées, mais la plus grande partie demeura dans l’ombre. Rien dans l’univers n’avait plus d’importance à ses yeux. Elle l’avait toujours su. Elle venait de frôler l’essence même de la vie et pourtant elle poursuivit son chemin sans se retourner.

Peu de pas après, elle entendit les premiers bruits d’eau de son parcours si toutefois elle omettait celui de la Dordogne.

Au même moment, elle distingua une ampoule allumée à travers des persiennes. Le destin lui tendait une nouvelle perche qu’elle ne saisit pas.

Un bruissement plus accentué correspondait à la toute petite cascade privative qu’elle ne discerna pas dans le noir.

Elle poursuivit son chemin et quitta bientôt Le Mont-Dore.

Elle longea le réservoir d’eau en forme de maisonnette, passa la croix décapitée.
Le ciel devenait plus clair et elle se demanda si elle devait continuer. Elle regrettait de n’avoir pu s’endormir et de s’être levée beaucoup trop tard. Pourquoi n’avait•elle pas choisi de partir la nuit ?

Elle passa devant la haute chute qui précède une carrière désaffectée. Elle y avait admiré des épilobes hirsutes et de mauves balsamines parmi un fouillis de plantes masquant la base d’une paroi rocheuse qui eût fait le bonheur d’un géologue.

Des montagnes d’une grandiose sérénité se détachaient en orange derrière les arbres. Sans vraiment en avoir conscience, elle ralentit pour les mieux contempler.

Elle eut brusquement envie de pleurer, mais se contint. Elle avait le sentiment de se défiler, se sentait presque coupable. Elle s’admonesta en se persuadant qu’elle s’accordait une importance exagérée. Il lui fallait se convaincre d’une chose : elle n’avait jamais servi à rien. Sa disparition n’aurait pas le moindre impact. Peut•être la pleurerait•on quelque temps ; mais ces larmes se tariraient bien vite. En un éclair, elle se distingua, bien nette, devant un mur de verdure. Mais, bientôt, son contour perdit de sa brillance, ses traits s’estompèrent, et elle parut se fondre avec les végétaux. L’espace d’un instant, elle fut presque joyeuse.
Elle passa devant la cascade du Saut du Loup qu’on ne distinguait pas de la route. Les moments où on la pouvait admirer correspondaient à des périodes où les touristes étaient absents, si bien qu’elle passait, le plus souvent, pour une imposture. À la fonte des neiges, cependant, c’était l’une des chutes les plus majestueuses de l’immédiat Mont•Dore, avec ses deux superbes langues d’eau en queue-de-cheval.

Sur sa gauche, encore le Puy Gros qui ne la quittait décidément jamais de sa masse protectrice, bien illusoire.

Elle reprit sa marche sans plus penser à rien, les yeux baissés.

Quand elle leva la tête, il faisait presque jour. Dans des prés, non loin d’une auberge, des chevaux s’ébattaient gaiement.

Elle délaissa la route qui oblique vers le col de la Croix-Morand pour emprunter celle menant au Guéry.

Un ru dévalait un modeste talus. L’eau l’environnait de nouveau en dépit de la relative sécheresse du moment.

Elle longea de petites murailles terreuses fortement érodées, coiffées d’arbres encore verts. L’eau bruissait ; les oiseaux chantonnaient.

Elle passa devant des feuillus, sans doute des érables. De hautes falaises plantées de conifères surplombaient d’impressionnants pierriers, jalonnés de quelques épilobes fanés aux cotonneux gamètes.

Plus que quelques dizaines de mètres la séparaient du lac. Sur sa droite, de minuscules cascades se jetaient dans un petit fossé de bord de route.

Elle continua en direction du Guéry accompagnée du rugissant ruisseau des Mortes. En tendant l’oreille, on percevait le murmure d’une petite cascade invisible de la route, située en contrebas.

Lorsqu’elle parvint au lac, l’air fraîchit et vint doucement la caresser. Elle s’en voulut presque d’éprouver du plaisir.

Elle dépassa la grande auberge, puis le Guéry lui apparut dans toute sa majestueuse sérénité. Elle s’interrompit pour l’admirer. Son bleu avait encore changé.

Il faisait grand jour à présent. De nombreux pêcheurs avaient installé leurs lignes ; le soleil illuminait les frondaisons ; beaucoup de voitures traversaient le col.

Devait•elle renoncer ? Elle regrettait d’avoir dû vendre son véhicule. En venant en voiture, la rapidité du trajet ne lui aurait pas laissé le temps de réfléchir, et réfléchir brise parfois les plus fermes résolutions. Cependant, elle était encore bien décidée.

Elle se dirigea vers la partie du lac située à l’opposé de la route afin de mieux passer inaperçue.

Elle s’assit sur la berge et absorba une nouvelle dose de médicaments. Par chance, ceux qu’elle avait ingurgités ne l’avaient pas encore endormie et commençaient seulement à produire leur effet. Elle puisa de l’eau afin d’avaler les comprimés. Elle s’allongea et attendit quelques instants.

L’image de la fenêtre lui revint en tête.

Lorsque ses paupières lui parurent lourdes et qu’elle se rendit compte qu’elle allait s’endormir, elle se leva, chancelant un peu, et pénétra dans le lac.