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couverture du livre La Lemniscate écrit par Treuil Pierre

Treuil Pierre La Lemniscate

472 pages
A5 : 14.8 x 21 cm
sur papier 100 g offset
Style litteraire : Roman
Numéro ISBN : 979-10-227-2339-8

23.69 € TTC

Frais de port inclus France
Métropolitaine uniquement

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Présentation de Treuil Pierre
éditeur de La Lemniscate


La Lemniscate compile plus de trente-cinq ans de recherches dans les milieux ésotériques et de l’hermétisme. Professeur et consultant en Astrologie, Maître Reiki et professeur Diplômé d’État d’Aïkido, Pierre Treuil enseigne ces disciplines depuis de nombreuses années.

Praticien et conférencier dans le domaine de la géobiologie et de la radiesthésie, il intervient auprès d’un public de néophytes et d’experts. Auteur d’articles publiés dans la presse spécialisée, notamment en astrologie, il fait partie d’un groupe de recherches, spécialistes reconnus dans ce domaine.

Officier de police sur le terrain, puis cadre pédagogique en École Nationale, l’auteur est à ce jour consultant dans le domaine de l’accompagnement et la reconversion professionnelle auprès des policiers.

Présentation de La Lemniscate


Vincent découvre que son épouse a été victime d'un meurtre ! Qu'aurait fait Jésus, Socrate ou Bouddha dans sa situation ? Une vengeance, une réplique à chaud ou la justice ?

Cette aventure d'un haut fonctionnaire nous plonge au cœur d’une enquête où se mêlent ésotérisme et symbolisme vivant. L'ambivalence d'un monde de spiritualité et de pouvoir, c'est le chemin que nous fera parcourir Vincent tout au long de ce roman.


Extrait du livre écrit par Treuil Pierre


Quelle sorte d’homme serait celui qui ne cherche pas à rendre le monde meilleur ?
 Kingdom of Heaven

Une lemniscate. Tout en conduisant, je pensais à ce signe symbolisant l’infini. Je revoyais ce « 8 » horizontal, gravé sur le pilier en pierre de la porte d’entrée de chez mon ami Vincent et je me demandais s’il n’y avait ni commencement ni fin. En général, on se pose des questions sur la vie et la mort en cours de philo ; ou lorsqu’on pleure un décès. Mais à cet instant précis, le regard sur la route, les yeux dans le vague, je me plus à espérer que nous étions éternels.

Je ralentis à l’approche d’un virage bordé de platanes. Des fleurs en plastique clouées à un arbre rappelaient qu’il y avait eu un accident ici, entraînant la mort d’un automobiliste. Je ne distinguai pas le prénom inscrit, mais deux groupes de quatre chiffres : 1989 - 2010. Et si le 8 de l’infini ne représentait que ces 2 x 4 chiffres de notre cycle terrestre ? Je me recentrai sur ma conduite, tout en me promettant de parler de cette curieuse coïncidence avec Vincent. Parce qu’avec Vincent, c’était différent. Tout était devenu différent depuis que je l’avais rencontré : compliqué en apparence, profond pour les rares personnes qui s’ouvraient à ses provocations. Le choix de baptiser sa demeure de ce nom imprononçable correspondait bien au personnage. La Lemniscate : qui ne butait pas sur cet étrange mot à sa première lecture ? Il en était de même avec cet homme : qui ne ressortait pas interloqué après l’avoir rencontré pour la première fois ? Comme j’avais dû lire maintes fois ce mot : Lem-nis-cate, il m’avait fallu plusieurs années pour pouvoir prétendre commencer à connaître Vincent. Sans doute avait-il ce don d’amener les gens à prendre le temps de s’arrêter avant de pénétrer son univers, de découvrir ses objets, ses amis. Mais après cette pause, on comprenait qu’il nous avait fait passer dans un autre monde : peut-être de l’avoir à l’être ; sans aucun doute du matériel au spirituel.

La route se déroulait devant moi comme un ruban, entre les collines ensoleillées du Roussillon. Ce qui me ramenait à l’étymologie du mot lemniscate et en même temps, à la personnalité originale de Vincent. À la fin d’un repas, je l’avais interrogé sur ce mot et son choix d’en baptiser sa demeure. Au lieu de me répondre tout simplement que « lemniscate » venait du latin et signifiait « ruban », Vincent avait pris le couvercle d’une boîte de Camembert. Sans rien dire, en souriant, il avait extrait la bande de carton qui l’entourait. Puis il avait coupé en deux ce ruban de fortune avant de le torsader et de le pincer de ses doigts, afin de réaliser ce que moi j’appelai le signe de l’infini et lui, la lemniscate. Toujours en silence, il avait passé son index sur le ruban comme s’il s’agissait d’un petit personnage. J’avais alors compris qu’il le faisait subtilement disparaître dessous puis le faisait revenir dessus. Comment aurais-je pu deviner que je marcherai bientôt moi aussi sur le ruban d’une lemniscate, passant du profane au sacré, et même du connu au secret ?

J’arrivai à cette propriété provençale haut perchée. On y accédait par un chemin empierré serpentant entre des espèces végétales dont la disposition paraissait être l’œuvre de la nature alors qu’il s’agissait de celle d’un jardinier averti. Quelques cyprès dépassaient de cette flore méditerranéenne aux senteurs tellement entêtantes comme celle du romarin et surtout celle de la lavande. Au bout de cette longue allée, la bâtisse en pierres campait sur le sommet aplati d’une petite colline. Tout autour, des vignes s’étalaient à perte de vue, entourées par des montagnes arrondies par le temps. Les levers de Soleil, ici, étaient fabuleux.

Vincent, fidèle à son légendaire esprit de provocation, parlait de « couchers de Terre puisque le Soleil est fixe ». Lors de mes séjours avec lui, nous ne les manquions jamais. Il est vrai que nous étions des lève-tôt : comment dormir alors que les étoiles laissaient la place à la lumière ? Comment ne pas souhaiter voir et revoir encore le ciel virant du noir profond au violet puis au rouge, et enfin le disque solaire apparaître entre deux collines ? Aujourd’hui encore, je remercie les quelques nuages qui, parfois, traînaient dans le ciel et permettaient aux rayons de l’astre de se matérialiser. Sortes de baguettes magiques qui transformaient notre monde chaotique en paradis. Le spectacle était bien supérieur à tout ce que l’on pouvait voir sur nos grands écrans de cinéma. Un spectacle dépourvu de violence et de haine. Un spectacle qui réjouissait les rêveurs ou poètes que nous étions. Mais il y avait plus que cela : on sentait une sorte de force émanant de la Terre. Cette énergie qui monte du sol en même temps qu’Hélios est plutôt méconnue en occident. Pourtant les adeptes de Taî-Chi et de Chi Cong la connaissent bien : ils l’appellent « Chi » ; ceux du Yoga la nomment « Prana ». C’est aussi le fameux « Ki » dans la tradition des arts martiaux japonais. Mais qu’importait pour nous le nom de cette énergie : elle nous mettait en grande forme.

J’arrivai sur une large esplanade. A priori chacun était libre de laisser son véhicule où il voulait, mais le tracé était fait de telle sorte qu’on était automatiquement dirigé vers un endroit précis. Le propriétaire possédait cet autre trait de caractère : ne rien imposer, mais suggérer, jusqu’à ce que quelqu’un propose quelque chose de plus novateur, de plus judicieux. L’odeur forte des pins me rappelait les vacances que je passais en famille dans le sud. Des arbres majestueux avaient déposé un tapis d’aiguilles limitant la pousse des mauvaises herbes tout en distillant un parfum âcre.

Je me garai donc librement à l’endroit défini. Un coup d’œil dans le rétroviseur. Je replaçai mes cheveux bruns que je portai assez longs. Un défi à la mode, qui, en plus, d’après mes amis, mettait mon visage en valeur. Visage qui commençait à se marquer à l’approche de la quarantaine. Le temps. Encore et toujours ! Je fermai la porte de la voiture et gagnai la bâtisse. Il s’agissait en fait de ce qu’on appelle volontiers une maison de maître, banale, mais néanmoins très jolie ; les lignes épurées démontrant à mes yeux la suprématie de l’essentiel sur le superficiel. Même si la publicité réussissait à faire admettre l’inverse à l’immense majorité d’entre nous. Peu, mais beau : un aspect propre et entretenu. Rectangulaire, elle était construite sur deux étages, en pierres sèches et habillée dans chacune de ses façades de deux fenêtres surmontées d’un œil-de-bœuf. Seul, sur le côté, un petit appentis camouflé par une vigne vierge venait se greffer à ce grand cube. J’arrivai devant la porte d’entrée cossue, encadrée par deux colonnes de pierre de taille. Sur celle de gauche, à hauteur d’yeux, un huit horizontal, stylisé par une taille rigoureuse, mais artistique, s’étirait : LA LEMNISCATE ! Un signe que l’on peut retourner du haut vers le bas et du bas vers le haut. Mais aussi de la droite vers la gauche et inversement. Un palindrome géométrique !

J’allai saisir le heurtoir quand mon esprit se mit de nouveau à vagabonder devant ce huit. Les lignes se superposant au centre, j’y voyais une croix, la croisée des chemins. Vincent estimait que chacun était libre de voir ce qu’il désirait dans un symbole. Cette Lemniscate pouvait être un huit ou l’infini. Ou rien du tout. Le heurtoir, placé sous une grille-judas était très particulier. Effectivement, au lieu de l’habituelle main, un Soleil rayonnant en cuivre patiné invitait le visiteur, non pas à heurter, mais, comme le disait Vincent, « à créer une vibration. » Par trois fois je frappai la porte à l’aide de ce magnifique Soleil puis j’attendis, le regard perdu dans cette Lemniscate. Le bruit sourd de la porte qui s’ouvrait me fit sursauter. En guise de salutation, mon hôte lança dans un éclat de rire :

– Sois le bienvenu, Axel. À ton regard, je vois que tu es en résonance et pas en raisonnement !

Vincent était en tenue de Samouraï et en sueur. Probablement en train de faire ses exercices de sabre japonais : le katana.

Je suivis le Maître des lieux, observant sa nuque de cheveux noirs noués en catogan. Son allure martiale était renforcée par un kimono bleu indigo et un hakama noir, sorte de large pantalon à plis faisant plutôt penser à une jupe. Nous nous serrâmes dans les bras et nous fîmes l’habituelle accolade.

Je m’exclamai :

– Ton accueil change Vincent ! La dernière fois tu m’as reçu par un « Qui ose ? » plutôt lugubre d’ailleurs !

En pénétrant dans le vestibule avec son plancher constitué de larges lames patinées par les ans, nous riions encore. Là, il fallait se déchausser. Des casiers étaient prévus à cet effet. J’aurai pu me croire à la piscine, à la mosquée ou dans un temple hindou s’il n’y avait eu cette phrase écrite au-dessus de la porte : « Prière de laisser la poussière de tes chaussures, tes problèmes, tes préjugés avant d’entrer… Et consciemment, s’il te plaît ! » Le ton était donné ! Comme à chaque fois, je sentais qu’en défaisant mes lacets je me préparais à pénétrer dans un autre monde. Je déposais mes chaussures dans un casier surplombé d’une plaque de cuivre sur laquelle était gravée une recommandation biblique : « Ôte tes souliers de tes pieds, car l’endroit sur lequel tu te tiens est sacré. Exode 3.5. » Ce petit cabinet me rappelait le narthex des églises d’autrefois. Étais-je chez un ami ou dans une chapelle ? En général, les amis et connaissances de Vincent s’accordaient tous à dire que ça les apaisait. Sa famille, par contre, ne s’y faisait pas. Les plus âgés surtout, qui préféraient y voir la mise en scène d’un film sur les ninjas ou une sorte de couvent plutôt qu’un espace sacré, voire de bien-être. Comme quoi, vieillesse n’est pas toujours synonyme de tolérance, de sagesse. La critique, la médisance même, hantait encore quelques Aînés, malgré les épreuves de la vie.

Je suivis Vincent dans la pièce. En fait, le vestibule s’ouvrait sur toute la maison. La « Lemniscate » n’était qu’une pièce. Une seule et immense pièce, exception faite de l’appentis, invisible d’ici.