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couverture du livre Un courant d'air écrit par Dury Michel

Dury Michel Un courant d'air

198 pages
A5 : 14.8 x 21 cm
sur papier 80 g offset
Style litteraire : Roman
Numéro ISBN : 978-2-9545856-0-4

17.69 € TTC

Frais de port inclus France
Métropolitaine uniquement

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Présentation de Un courant d'air


Le livre nous conduit à travers le XIXe siècle. La vie quotidienne de deux cultivateurs du Brionnais est secouée par l’arrivée de Napoléon, sa chute, le retour des Bourbons…

Puis la République de 1848 et le coup d’État de Napoléon III. Le récit s’achève un peu avant la Première Guerre Mondiale. C’est avec regret qu’on quitte ces paysans du Brionnais qui sont un peu nos ancêtres à tous.


Extrait du livre écrit par Dury Michel


Après des jours de temps incertain qui avaient laissé plus de place à l’hiver qu’au printemps, le mois d’avril s’épanouissait enfin. Nicolas Durix venait de traverser le Sornin avec ses enfants et un chargement bancal, une armoire de bois mêlés, une maie, des chaises… toute sa richesse qui brinquebalait sur un char. Ils se dirigeaient vers les hautes collines de Gibles1 en passant par le hameau des Martins. Le convoi se traînait dans un silence que ne troublait ni le grondement du charroi ni les cris des enfants. Les bœufs avançaient avec lenteur. Un instant, Nicolas s’arrêta pour regarder, en contrebas, le creux du Sornin. Il laissait de l’autre côté le village de Saint Racho, les terres où ses ancêtres vivaient depuis des générations, les premières années de son mariage… et la sépulture de sa femme.

Il s’éloignait aussi de ces dernières années marquées par un procès contre son père, rien de moins, pour une sombre affaire qu’il n’avait plus envie d’évoquer. La porte était fermée, comme son visage, quand on lui rappelait cette époque. On aurait dit qu’il n’était plus là : cet homme mince, discret, un peu chétif, à l’air parfois inquiet, s’évanouissait alors dans une mélancolie assez marquée, « des nuages noirs là-dedans », disait-il, en se frappant la tête de la main.

Il manquait parfois d'objectivité et était sujet aux fréquents changements d’humeur. Ce qui avait provoqué ces dissensions judiciaires entre les deux hommes quand le bon sens, qu’ils partageaient pourtant, aurait dû les porter vers des solutions plus douces.

C’est peut-être bien ce reste de bon sens qui lui avait donné l’impulsion salvatrice dans ce contexte si tendu, que la mort de sa femme avait rendu nauséeux… Mais il était aussi d’un tempérament très indépendant, souvent instable ; il avait tendance à suivre ses impulsions et à écouter la moindre de ses intuitions. Voilà aussi ce qui l’avait conduit à cet exil, de l’autre côté du Sornin, pour fuir brutalement les années où père et fils s’étaient envoyé l’huissier dans le cadre bien trivial d’une obligation alimentaire non respectée (c’était le point de vue du père) réclamée par un ascendant qui pouvait encore travailler et subvenir à ses besoins (c’était l’avis de Nicolas)…

Le déménagement poursuivait sa lente montée vers les hauteurs de Gibles. On ne voyait toujours pas la fin de la côte qui, plus loin, derrière les bois qu’on frôlerait sur la gauche, aux confins du village, amènerait au hameau des Roches, terme du voyage. Mais il y avait encore du chemin… Parfois, on s’arrêtait au gré des hésitations de l’attelage devant un bouquet de branches particulièrement attirantes, parfois un des enfants qui conduisaient les bœufs piquait un peu fort et l’allure s’en ressentait. Mais Nicolas ne modifiait pas son rythme. Il restait absorbé dans ses pensées.

Sa femme Marie, qui dépérissait après la naissance de leur huitième enfant, avait succombé à la fièvre le 16 avril 1802… A la sortie du cimetière, un cousin s’était approché de lui et, sans détour ni précautions, lui avait parlé d’une affaire qui pouvait l’intéresser :

- Maintenant, il va falloir que tu cherches un autre toit, tu ne peux pas rester avec ton père à Tête-Noire… Il y a un domaine qui va se libérer : j’ai entendu dire que les grangers du domaine

des Roches, en haut de Gibles, ont reçu leur congé pour la fin de l’année.
Nicolas ne disait mot, regardant par terre comme si on lui parlait de là. Dans ce que lui disait son cousin, il avait pourtant noté que le propriétaire voulait en chasser les précédents fermiers qui, de leur côté, ne l’entendaient pas de cette oreille. Le propriétaire avait été obligé de demander au juge de paix l’application de ce congé que les grangers contestaient. Nicolas sortit de sa méditation :

Ils ne veulent pas partir ?

Bah… ils refusent le congé mais ils n’ont qu’une convention verbale ! voilà tout ce qu’ils ont à opposer au propriétaire…

Le juge de paix de la Clayette avait entendu les deux parties mais sans parvenir à les concilier. On s’apprêtait donc à faire statuer le juge de Charolles… Ce qui laissait le temps à Nicolas d’enterrer sa femme avant de s’intéresser à ce domaine. Comme les occupants avaient finalement préféré s’entendre à l’amiable plutôt que de s’engager dans une histoire sans fin devant le tribunal de Charolles, le congé qu’avait donné le propriétaire des Roches à ses fermiers resta fixé à la fin de l’année 1802.

Malheureusement, peu après cet accord amiable, le propriétaire décédait… Il fallut attendre qu’un conseil de famille accepte de mettre le domaine des Roches en fermage par adjudication.

Pour compliquer encore l’affaire de Nicolas, un affichage pendant trois semaines au marché de la Clayette et à Varennes, à Saint Racho, à Gibles, annonçait l’opération.

Enfin, après des mois d’attente, le 26 floréal an onze de la République, le notaire de la Clayette venait procéder à la mise aux enchères, en présence du maire et du greffier du juge de paix.

- Le bail commencera le 21 brumaire an douze pour finir le 21 brumaire an vingt, annonça-t-il avec précipitation, comme s’il voulait, lui aussi, rattraper l’année perdue par les procédures de succession et de tutelle. Le fermier recevra, à son entrée, un capital de bestiaux bouvains de huit cent vingt livres, dix-sept brebis et un mouton. Il ne pourra tenir dans le domaine aucune chèvre. Il devra planter chaque année deux noyers, deux pommiers, deux poiriers et un cerisier.

Et la litanie continuait en passant du bois de chauffage au procès-verbal de visite de l’état des bâtiments, des clauses assez classiques que Nicolas écoutait distraitement. Enfin, le notaire annonça l’ouverture des enchères Claude Desmurs propriétaire à Gibles commença par une mise de mille deux cents francs. Nicolas proposa mille cinq cents francs… Après avoir attendu presque deux heures sans que personne n’ait voulu surenchérir, la ferme du domaine des Roches avait été adjugée à Nicolas.

Ce bail tant attendu par Nicolas prenait effet… le jour où son père se mariait pour la troisième fois avec une veuve, plus jeune que lui de quinze années. Nicolas n’y assista pas, ni aucun membre de la famille du marié, soixante-dix ans, qui donnait généreusement une rente de survie à sa « jeune » épouse…

Ce mariage rappelait à Nicolas le précédent mariage de son père et son propre mariage. Un jour de novembre 1786, on avait célébré deux mariages dans le village de Baudemont : le père de Nicolas épousait une veuve dont la fille épousait Nicolas. Tout le monde allait vivre à Saint Racho, en exploitant le domaine de Tête-Noire qui appartenait à son père. Il revoyait ces moments de cohabitation tranquille, tellement lointains qu’ils paraissaient maintenant irréels après la mésentente avec son père, la disparition inexpliquée de sa belle-mère et le décès de sa femme quelques années après.

La belle-mère avait perdu la raison. Souvent, assise sur une chaise de paille, on aurait pu la croire occupée à l’examen des objets placés devant elle. Mais l’œil fixe, les lèvres serrées, elle n’accordait aucune attention à ce qui se passait autour d’elle jusqu’à ce que, soudainement, elle se réveille de cette obscure léthargie, se lève alors brusquement et cherche à ouvrir les portes qu’on bloquait soigneusement quand elle se trouvait dans cet état. Ses yeux devenaient alors étincelants ; ses bras se tendaient d’une manière convulsive. Et d’une voix étouffée, semblable à celle qu’on a pendant son sommeil, elle gémissait « au feu, où est ma fille ? Je veux sauver ma fille… »

Puis elle retombait dans sa stupeur. La moindre lueur de raison avait disparu de ce visage impassible…

Ces crises ne duraient pas. Mais des épisodes semblables se répétaient de plus en plus fréquemment. On ne pouvait prévoir le prochain et, peu à peu la vigilance de son entourage s’émoussa. Un jour qu’elle s’était ainsi levée précipitamment pour « sauver sa fille », elle réussit à sortir et s’en alla en gémissant en direction du bourg de Saint Racho… Personne ne s’en inquiéta… et personne ne la vit jamais revenir.

Nicolas marchait dans le brouillard de ces souvenirs quand le convoi arriva aux abords du hameau de Châtenay.

Le chemin s’était assoupli un peu avant de retrouver une pente de raidillon dans laquelle les bœufs montrèrent des signes de vraie fatigue. Ils avaient soif. Heureusement, il y avait une mare à la croix de Lavaux où ils firent une pause.

Enfin, on atteignit le domaine des Roches. Dans la cour entourée d’un mur de pierres sèches, il y avait un enchevêtrement de matériel et des débris de mobilier que les précédents occupants avaient généreusement laissé aux arrivants. Les bœufs franchissaient chaque obstacle en secouant violemment la tête.


Témoignage sur l'autoédition de Dury Michel


J'avais l'expérience de l'auto édition, avec toutes les difficultés que ça suppose…

Chez Autres talents, j'ai eu une aide véritable, un contact sympathique, des conseils, le respect des délais, la qualité et les prix. Que souhaiter de mieux ?