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couverture du livre Vue de l'intérieur écrit par Enée Annick

Enée Annick Vue de l'intérieur

236 pages
A5 : 14.8 x 21 cm
sur papier 80 g bouffant ivoire
Style litteraire : Contemporain
Numéro ISBN : 978-2-35682-225-3

18.20 € TTC

Frais de port inclus France
Métropolitaine uniquement

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Présentation de Vue de l'intérieur


Dans les médias, on parle souvent de la prison. On parle rarement de « l’homme en prison ». Visiteuse pendant plusieurs années, après les avoir rencontrés, à travers le parcours de quelques-uns, elle a voulu parler d’eux, de leur quotidien à l’intérieur, parfois de leur propre vision d'eux-mêmes.

Elle offre dans ce livre ce regard qu’elle a pu poser sur ceux qui pendant leur exclusion n’ont pas droit à la parole, devenant pour certains totalement inexistants, et qui parfois se sont confiés au-delà de l’entendement. Lucide sur la gravité des faits, sur la douleur incommensurable de familles de victimes et de leur propre famille, tout en insistant sur la nécessité d’une justice protectrice de la société, elle tente aussi de leur redonner leur dimension humaine, de les aider à se réinsérer dans une société par toujours prête à les accueillir.

L’auteur n’a pas hésité en parallèle à entrouvrir quelques portes de sa vie donnant un caractère plus léger et plus authentique à son récit.


Extrait du livre écrit par Enée Annick


J’éprouvai soudain le besoin de m’imprégner une dernière fois de ce lieu que j’avais assidûment fréquenté pendant dix ans.

C’est un immeuble pas comme les autres, imposante pyramide de béton, typique du mouvement architectural moderne qui sévissait à l’époque. Des jardinières intégrées et de larges baies vitrées viennent adoucir le côté austère de ce bâtiment, l’un des plus spectaculaires de la ville.

J’ai pris l’ascenseur intérieur pour en atteindre le sommet. Un point de vue phénoménal sur la vallée de la Garonne et jusqu’aux Pyrénées s’offre à mes yeux. Combien de fois me suis-je réfugiée seule, à l’heure du déjeuner, dans cet endroit silencieux, hors du temps, si propice aux rêveries. Aujourd’hui, je vois défiler cette longue période où je m’étais au fil des ans sérieusement ancrée dans cette petite société orientée vers les technologies nouvelles. Une ambiance sereine y régnait grâce à une grande liberté d’action de chacun pour l’équilibre de tous. Aujourd’hui, bien que florissante, elle cessait toute activité. La Direction parisienne en avait décidé ainsi, restructuration oblige.
Je dévalai les étages et me retrouvai sur le parvis. Il y avait là ce qu’on appelait alors le « pavillon » enchaînement de demi-niveaux ludiques aux couleurs primaires. Occupé par l'Ordre des Architectes, il m’avait toujours, et c’est un comble, choqué par la laideur de son architecture.

De nombreuses manifestations syndicales avaient lieu régulièrement ici car l’immeuble abrite les bureaux de diverses organisations patronales. Pendant quelques temps, on a pu apercevoir, flottant à l’extrémité d’un mât, un épouvantail à l’effigie du patron du Medef du moment. L’immeuble fut une nuit la cible d’un mouvement révolutionnaire rendu tristement célèbre par ses actions criminelles envers le patronat. Un violent attentat détruisit du sol au plafond une partie du rez-de-chaussée et les vitres de mon bureau avaient volé en éclats
Je me dirigeai vers le parking souterrain qui, contre toute attente, surplombe le quartier en contrebas. Avec des gestes d’automate je montai dans ma voiture et quittai définitivement les lieux, consciente qu’une page venait de se tourner. Libre, sans aucune contrainte d’horaires, sans ces petits soucis professionnels souvent latents dans mon cerveau, les automatismes reprirent malgré tout le dessus et je rentrai directement au bercail.

Fred m’attendait. Après une vingtaine d’années aucune lassitude n’était venue assombrir notre union. Nous restions les bienheureux survivants de nos querelles. Ingénieur dans une grosse entreprise de la région il a toujours eu cette intelligence de privilégier sa vie de famille à sa vie professionnelle. Son ascension dans l’entreprise, bien que très honorable, en a certainement été entravée. Mais les souvenirs des moments quotidiens partagés avec nos enfants, devoirs scolaires, balades en forêt, jeux de société ou parties de foot endiablées valaient bien quelques sacrifices. Ils étaient maintenant devenus grands et en passe de quitter le nid pour faire leurs premiers pas vers leur statut d’adultes, chacun dans un domaine différent. Rien ne venait assombrir l’horizon car ils avaient de bons atouts en main.
La maison me sembla rapidement trop grande et souvent vide quand les uns et les autres furent de plus en plus accaparés par leurs diverses activités. Chaque pièce, y compris la cuisine ne faisait pas moins de vingt mètres carrés, excepté ce petit salon aux murs d’un rouge audacieux où nous aimions tous, le soir après dîner, nous raconter notre journée. Puis, l’un près de l’autre, Fred et moi, en silence nous nous plongions dans la lecture ou regardions la télévision. J’appréciais ces moments où la présence de l’autre, même silencieuse, rassure.

Voilà maintenant un mois que j’ai été licenciée et je m’inquiète car je commence à tourner en rond. Insouciante les premiers jours, petit à petit je me suis mise à regarder de plus en plus souvent à la fenêtre et je sais que c’est mauvais signe. Rien ne me rebute dans les tâches ménagères que j’accomplis chaque jour, mais je me refuse à n’être destinée qu’à cela.

Ma carrière avait été longtemps mise entre parenthèses, alors qu’elle semblait plus que prometteuse. Très jeune, j’avais rapidement grimpé les échelons au sein d’une base américaine. Puis j’avais rencontré Fred, et, selon un ordre couramment établi à l’époque, au cursus professionnel tant espéré vint se substituer le cursus familial : fiançailles, mariage, et rapidement un, puis deux enfants. J’avais alors fait le choix mûrement réfléchi de cesser toute activité, ce que je n’ai jamais regretté d’autant plus qu’un troisième bébé, vint peu de temps après agrandir la famille. En trois ans nous eûmes donc trois enfants. Après la période, couches, biberons, bouillie, légumes écrasés et viande hachée, l’un après l’autre, sur une période relativement restreinte, avaient pris le chemin de la maternelle. Je me souviens que j’embarquais ma progéniture dans une poussette à jumeaux réussissant cette prouesse d’y caser les trois. Fred m’était d’un soutien constant. Il n’hésita jamais à partager les tâches domestiques au cours de cette période hyperactive aux souvenirs hyper heureux.

Je m’étais organisée au mieux et avais pris la décision de consacrer les matinées à la maison et à la famille, les après-midi n’appartenant qu’à moi. J’ai toujours pensé que Maman, je devais aussi me préserver en tant que Femme et comment dire, Citoyenne. L’équilibre de ma famille dépendait de mon propre équilibre.

Petit à petit je sus utiliser mes créneaux d’indépendance à des activités diverses et variées, la plupart bénévoles, tour à tour membre, puis Présidente du Conseil des Parents d’Elèves, Conseillère Municipale, le temps d’un mandat, et Correspondante de Presse. Le propos de ce livre n’étant pas là, je dirai tout simplement que je me suis donnée à fond dans ces diverses activités qui à défaut de m’apporter la fortune m’enrichirent de ces expériences qui font que petit à petit vous prenez un peu plus conscience de la réalité du monde qui vous entoure et qu’un beau matin vous vous apercevez que vous avez grandi.

Trois enfants en trois ans, cela veut dire qu’un jour on se retrouve face à trois adolescents et à leurs problématiques d’ados, beaucoup plus difficiles à gérer que la petite enfance. On est également confrontés à des dépenses considérables pour leur assurer un avenir. Fred avait une situation confortable. Mais une année, nous dûmes assumer Sup-de-Co et une école d’hôtesse réputée, à la fois pour ses débouchés et pour son coût élevé, ainsi que la location d’une chambre pour notre plus jeune fils qui poursuivait ses études à une centaine de kilomètres. Année difficile qui se transformait parfois en casse-tête de fins de mois. Je décidai alors de me mettre en quête d’un job ce qui n’était d’ailleurs pas pour me déplaire. Soucieuse de ce désert professionnel de quinze ans, c’est via une entreprise de travail temporaire que je m’étais, si j’ose dire, remise sur le marché. C’était pour moi le meilleur moyen de tester mes capacités, ou tout au moins ce qu’il en restait. Je me familiarisai sans peine aux nouvelles technologies informatiques alors en pleine évolution et c’est au cours de l’une de ces missions que la chance mit sur mon chemin un jeune directeur de société en quête d’une secrétaire et qui me proposa le poste.

J’étais consciente qu’il me serait impossible d’accéder au niveau professionnel auquel j’aurais pu prétendre quinze ans auparavant si je n’avais fait ce choix de privilégier l’éducation de mes enfants. C’était irrattrapable. Je ne fus cependant pas à plaindre car j’allais trouver pendant cette décennie, un certain épanouissement au sein de cette petite société qui aujourd’hui fermait ses portes et me laissait, le temps de l’euphorie passé, dans un certain désarroi.

En général Fred déjeune sur son lieu de travail ou au restaurant. Je n’aime pas cet instant du repas où je me retrouve face à moi-même. Un sentiment de solitude m’assaille. Nous sommes locataires d’une très belle maison typique de la région. Plusieurs fois centenaire, elle a la particularité d’être isolée au cœur même de la ville. Côté rue, un trottoir trop étroit la rend victime d’un passage de voitures incessant, et ses murs sont noircis par les fumées des pots d’échappement. La vue sur le mur très abîmé d’en face est loin d’être réjouissante. Par contre, à l’arrière, côté jardin, cette demeure ancienne à étage est très belle. Sa façade est un ensemble harmonieux de briques et de murs crépis de blanc. Des fenêtres très hautes ont conservé leurs anciens carreaux non dénués de ces petits défauts qui en font le charme. Une large terrasse surplombe le jardin tout en profondeur, dont l’originalité est d’être très en pente, la maison étant située sur les contreforts de la ville. Un vieil escalier central le traverse avec de chaque côté cinq paliers gazonnés. A quelques mètres de la terrasse trône un magnifique pigeonnier, mais il n’est pas sur notre terrain, au grand désespoir de notre plus jeune fils qui nous tannera en vain des années durant pour nous arracher la permission d’installer sa tanière justement dans ce lieu inaccessible et interdit.
Je ne suis pas jardinière dans l’âme et Fred, pris par son travail et sa passion pour la pêche à la mouche, n’a pas trop de temps à consacrer à d’éventuelles plantations de fleurs qui apporteraient des notes de couleurs et viendraient ponctuer les saisons. Quelques arbres quand même. Un arbre de Judée, superbe lorsque les fleurs d’un rose puissant s’épanouissent, mais si ingrat le reste du temps. Un forsythia, arbuste annonciateur du printemps, qui émerveille avec ses magnifiques fleurs d’un jaune soutenu. Imposant, il n’aura jamais connu les blessures de la taille. Quelques rosiers auront aussi réussi à survivre à l’indifférence des sécateurs. Malgré ce peu de temps qu’on y consacre ce jardin a beaucoup de charme. Il est reposant, et l’un de mes plaisirs quand le temps s’y prête, est d’aller me lover dans un hamac tendu entre deux arbres. Chaque jour je m’y endors le temps de la sieste, bercée par le chant des oiseaux, nombreux à investir cet endroit.

Mais je commence à avoir un rythme journalier beaucoup trop répétitif à mon goût. L’après-midi, je m’installe dans le salon devant le petit écran et regarde avec plus ou moins d’intérêt selon le thème du jour une émission animée par André Bercoff, « Français, si vous parliez ! », bien loin de m’imaginer qu’un jour celle-ci allait changer le cours de ma vie. Ce jour-là, le thème en était « Les visiteurs de prisons » et pendant une heure certains d’entre eux étaient venus s’exprimer sur le plateau.

Curieusement, le soir même, des images lointaines me revinrent. Lorsque j’étais enfant, dans ma ville natale, il m’arrivait de passer avec ma mère devant une prison au nom plutôt poétique « Le Pré Pigeon ». Ma mère m’avait expliqué, avec des mots adaptés à la petite fille que j’étais, qu’à l’intérieur il y avait des hommes enfermés, punis parce qu’ils avaient fait des bêtises très graves et qu’ils n’avaient pas le droit de sortir. J’en fus horrifiée. Certains soirs, il m’arrivait d’imaginer qu’avec une grande clé, tel l’enfant qui ouvre la cage aux oiseaux, j’ouvrais la lourde porte. Je voyais alors des hommes s’envoler jusqu’à disparaître dans les nuages. Plus tard les dessins de Folon à l’écran me rappelleront ces images. Il faut toujours parler aux très jeunes enfants, savoir répondre à leurs « pourquoi ? » répétitifs, parfois si lassants. Ces réponses ne sont jamais vaines, elles aident leur personnalité à se forger et plus tard dans leur vie d’adulte les mots prononcés, parfois ressurgissent.


Témoignage sur l'autoédition de Enée Annick


Dans les médias, on parle souvent de la prison. On parle rarement de « l’homme en prison ». Visiteuse pendant plusieurs années, après les avoir rencontrés, à travers le parcours de quelques-uns, elle a voulu parler d’eux, de leur quotidien à l’intérieur, parfois de leur propre vision d'eux-mêmes.
Elle offre dans ce livre ce regard qu’elle a pu poser sur ceux qui pendant leur exclusion n’ont pas droit à la parole, devenant pour certains totalement inexistants, et qui parfois se sont confiés au-delà de l’entendement.
Lucide sur la gravité des faits, sur la douleur incommensurable de familles de victimes et de leur propre famille, tout en insistant sur la nécessité d’une justice protectrice de la société, elle tente aussi de leur redonner leur dimension humaine, de les aider à se réinsérer dans une société par toujours prête à les accueillir.
L’auteur n’a pas hésité en parallèle à entrouvrir quelques portes de sa vie donnant un caractère plus léger et plus authentique à son récit.


On peut avoir des choses à dire, mais des difficultés à se faire entendre. Si vous n’êtes pas un auteur connu ou reconnu, difficile de trouver une maison d’édition qui saura vous prêter attention. Enfin, c’est ce que je pensais jusqu’à ce que je découvre « Autres-Talents » pour mon premier livre « Éclats de Vie ». Ma totale satisfaction m’incita à faire à nouveau appel à cette société pour mon second ouvrage.
J’ai eu le plaisir d’y retrouver Karim, fidèle au poste, mais aussi toujours fidèle à ses client(e)s. Son écoute, sa (grande) patience et son professionnalisme sont restés intacts. Merci à lui et à toute une équipe pour la qualité du travail accompli.