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couverture du livre Crissements de sable écrit par Faure Jean-Paul

Faure Jean-Paul Crissements de sable

120 pages
A5 : 14.8 x 21 cm
sur papier 65 g bouffant ivoire
Style litteraire : Littéraire
Numéro ISBN : 979-10-931673-9-8

18.69 € TTC

Frais de port inclus France
Métropolitaine uniquement

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Présentation de Faure Jean-Paul
éditeur de Crissements de sable


Jean-Paul Faure réside en Occitanie où il enseigne depuis 1985. Ancien élève de l’École Normale supérieure de Cachan, il est titulaire des Palmes académiques, d’une agrégation d’Économie et Gestion, d’un DEA en sciences de la communication au CELSA Université Paris-Sorbonne.

Il a été successivement chef de département à l’IUT de Montpellier, responsable de formation continue au CREUFOP, puis directeur et délégué général des Alliances françaises à Sri Lanka.

Présentation de Crissements de sable


L’écriture raffinée et sobre de Jean-Paul Faure et son empathie pour ses personnages donnent à ces nouvelles du désert une densité et une force particulières. Lire ses livres, c’est comme toujours apprendre avec du plaisir.

Ses récits sont nourris de simplicité, de finesse, et de générosité. Chaque nouvelle porte ici sa part de rêves et de défaites. Le destin n’est pas inéluctable, l’espoir croise le fer avec le malheur, et de l’amour jaillit la lumière !


Extrait du livre écrit par Faure Jean-Paul


Tamat

Un après-midi dans le sud de l’Algérie, le Hoggar, un massif montagneux de l’ouest du Sahara, une femme Touareg s’éloigna de son campement pour ramasser du bois. C’était un temps sans âge où seul l’hiver s’opposait à l’été.

Et depuis toujours, nécessité oblige, la cuisson du repas du soir demandait des brindilles ou branchages à brûler. Pour préparer le maigre repas de toute la famille, la femme devait aussi affronter les périls de l’extérieur pour trouver ce bois essentiel à leur survie.

Encore un jour de grande chaleur accablante et l’Est soufflait en rafale les habitations blêmes du douar et balayait vigoureusement les ruelles qui semblaient abandonnées. Le lieu de ramassage se trouvait à proximité, là où le désert finit de dépouiller la terre. Et la femme marchait de-ci de-là, dos courbé, cherchant le bois que le vent et la nature avaient bien voulu lui laisser. La miséreuse entassait petit à petit les branchages près d’un buisson. Elle avait fini de rassembler son fagot, prête à le porter sur ses frêles épaules, lorsqu’elle aperçut, courant dans sa direction, trois Tahenchit. Le désert et la faim avaient guidé inexorablement ces chiens sauvages vers leur proie. Aucun doute, elle surprit une délectable férocité sortir de leurs gueules décharnées. Lâchant son fagot, invoquant Dieu, la femme grimpa sans délai dans l’arbrisseau le plus proche : un Tamat. Égratignée par les épines de l’arbre sauveur, elle fixa désespérément les trois fauves qui, gueule écumante, faisaient le siège de l’acacia dans un va-et-vient infernal. Ce Tamat, ce bois, celui qu’elle aurait ramassé peut-être, venait de lui offrir un dernier sursis. Elle remercia Dieu.

La fin de journée passa, surgit la nuit. La pauvre femme était tout épuisée. Les gouttes de sang et de sueur qui perlaient ravivaient régulièrement la hargne des carnassiers dans une ronde cadencée. Puis, le froid du désert aidant, les fauves s’assoupirent les uns contre les autres et semblèrent dormir au pied de l’arbuste en silence. Leur puanteur sembla décupler. La femme bougeait ostensiblement sur sa branche dans un équilibre vulnérable. Elle avait bien envie de dormir aussi, mais chaque fois que le sommeil semblait l’emporter, elle frôlait de peu la chute. Elle pensait aux siens, à ceux du village qui devaient l’attendre désespérément. Petit à petit, la peur, le froid et la fatigue la gagnaient. Et lentement les pleurs, tremblements et sanglots l’envahirent irrémédiablement, corps et âme. On aurait peut-être pu l’entendre depuis le village. Mais soudain, en un instant, sa résistance baissa. Elle se relâcha. Le destin en avait décidé ainsi. Il l’avait conduite à venir mourir hors du village dans d’atroces douleurs, dévorée par les fauves, son corps dépecé, disparu à travers des êtres infâmes aux confins du Sahara ; et ce qui devait arriver arriva. Elle céda au sommeil et tomba.

En s’effondrant, elle poussa un hurlement effrayant, puis un autre strident encore lorsqu’elle toucha le sol au milieu des Tahenchit. « Prenez chacun votre morceau ! » cria-t-elle, en cachant sa tête dans ses bras.

Mais les Tahenchit, surpris, terrifiés par les cris et les bruits de sa chute, s’étaient enfuis loin dans le froid et l’obscurité du désert. La femme en fit autant vers le village. Inch Allah !