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couverture du livre Les moyens du bord écrit par Liboà Melchior

Liboà Melchior Les moyens du bord

88 pages
A5 : 14.8 x 21 cm
sur papier 80 g bouffant ivoire
Style litteraire : Littéraire
Numéro ISBN : 978-2-9558486-1-6

13.69 € TTC

Frais de port inclus France
Métropolitaine uniquement

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Présentation de Liboà Melchior
éditeur de Les moyens du bord


Melchior Liboà est un musicien, auteur, compositeur et interprète né en 1969 à Cuneo (Italie).

Ses écrits sont des poèmes folk-rock où des personnages louches évoluent dans des lieux étranges…

Il est probablement l’un d’entre eux.

Présentation de Les moyens du bord


Suite poétique racontant 31 émotions de la vie de l'auteur.


Extrait du livre écrit par Liboà Melchior


CE QU’IL S’EST RÉELLEMENT PASSÉ

Voici ce qu’il s’est réellement passé. Je dansais le tango avec une pute à Maracaïbo quand le miroir qui se trouvait derrière moi a éclaté dans un fracas assourdissant. La deuxième balle est venue se figer dans ma cuisse. J’ai juste eu le temps de voir le Mexicain s’enfuir et me lançai à sa poursuite en sautant du balcon. La roue arrière de sa Kawa Mach III a crissé sur le gravier et il a filé. J’ai couru jusqu’à la grille du portail que j’ai escaladée et j’ai arrêté le premier véhicule qui se présentait sur la route. Shania Twain était au volant.

Suivez cette moto, lui lançais-je en contenant l’hémorragie avec la paume de ma main. Elle ôta son soutien-gorge pour me faire un garrot et se lança à la poursuite du fuyard sur les routes escarpées du Cuao Sipapo. Après plusieurs kilomètres, le motard compris qu’il n’était pas en mesure de nous échapper et s’arrêta sur le bas-côté à bout de souffle. Je n’eus aucun mal à le maîtriser et lui administrai mon pied au cul. Il promit d’agir dorénavant avec plus de discernement et je le laissai repartir. Puis j’invitai Shania Twain à une partie de pêche à l’écrevisse et nous partîmes pour la Nouvelle Orléans.

En arrivant dans notre suite, j’ai fait jouer Song to the Siren de Tim Buckley, j’ai tamisé la lumière et j’ai ouvert une bouteille de Côte-Rôtie que nous déquillâmes en regardant le panorama de la ville lumière. Afin d’éviter une happy-end sirupeuse et pour ne pas décevoir mes fans, je décidai de me jeter par la fenêtre. Et puis j’ai pris une décision : tout de même pas.



LES MOYENS DU BORD

Tina s’appelle Christina mais sur son badge, c’est écrit Tina. Elle arrondit ses fins de mois au El Mocambo où je me remets de mes émotions en buvant de la bière fraîche. C’est une jeune serveuse un peu grosse avec des cheveux jaunes qui pique compulsivement des bonbons multicolores dans une boîte en plastique. Les autres l’écoutent parler des différentes variétés d’escargots qu’elle collectionnait petite, en lorgnant sur sa poitrine immense. Moi j’ai toujours été un homme à jambes, alors je lorgne ses jambes.

L’après-midi s’étire doucement et tout en sachant que le futur condamne en premier les plus faibles, je suis passablement satisfait.

Une fois je lui ai dit que j’aimais bien venir ici, elle m’avait répondu qu’elle préférerait se trouver n’importe où ailleurs qu’ici. On est tous prisonniers de quelque chose, j’avais répondu. Je m’assois à une table devant la fenêtre. L’autre, le gars derrière le comptoir, porte une veste à franges et des bottes de cow-boy. C’est le boss. Il adopte une attitude qui tend à faire penser qu’il est la brute la plus épaisse de tout l’ouest et la gâchette la plus rapide de tout l’ouest et qu’il s’est envoyé davantage de femmes que n’importe quel autre citoyen de tout l’ouest. Quel connard.

Un type entre et dit :

- Je viens pour l’annonce. Le connard de l‘ouest s’avance en marchant comme s’il était filmé par John Ford.

- Vous avez des références ?

- Je tarderai pas à être référencé chez les clodos si je trouve pas de taf.

- Y’a que des gens bien ici.

- Ça me va.

- Vous avez déjà travaillé comme videur ?

- Botter le cul à des ivrognes c’est pas compliqué.

- J’aurais préféré un noir.

- Ils sont pas fiables sur la durée.

- Le salaire est de 20 balles par soir.

- Huah ! Pas étonnant que la place soit vacante. L’autre est mort de faim ?

- T’as besoin de ce boulot, oui ou non ?

- Oui patron.

- Pointe-toi demain à 10 heures moins le quart. Tina te montrera le placard à balais.

- Pourquoi je devrais me faire montrer le placard à balais ?

- Pask’il faudra que tu passes la serpillière dans la salle après la fermeture.

- Je suis videur, pas passeur de serpillière.

- Tu vas commencer par baisser d’un ton. Ici les portiers passent la serpillière après le service, c’est comme ça, ça a toujours été comme ça et y’a pas de raisons pour que ça change.

- Le scribe dit à Jésus : « Si je te donne une feuille de vigne pourrie, tu me donnes ta maison ? » Et vous savez ce qu’a répondu Jésus ? Il a dit : « C’est à cause de l’iniquité que le monde s’est retourné contre l’humain et que dans sa misère l’humain n’a rien donné à Dieu que des trucs souillés du péché comme les linges hygiéniques, le vomi d’ivrogne, les mégots qu’on balaye et les capotes usagées qu’on ramasse dans les chiottes des bars comme le vôtre. » Alors patron, sauf le respect, je ne mettrai pas mes mains dans la crasse et le péché pour 20 balles par jour.

- Bon débarras !

- Ils sont au courant les gens bien que vos employés sont payés au-dessous du salaire minimum pour nettoyer leur merde ?

Le type sort en bousculant Tina d’un coup d’épaule. La porte claque comme un tonnerre et le plateau de cendriers sales se répand sur le parquet. Personne n’ose plus parler et Tina s’accroupit pour ramasser les débris avec son torchon. Son surpoids la rend gauche, ses gestes sont un peu maladroits mais c’est une brave fille. Elle sait faire fi de ses humeurs et de son ressenti. Sourire et servir des bières fraîches, c’est tout ce qu’on lui demande.