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couverture du livre Mon âne est-il le bienvenu écrit par Grün Emmanuelle

Grün Emmanuelle Mon âne est-il le bienvenu

130 pages
15.8 x 24 cm
Style litteraire : Roman
Numéro ISBN : 978-2-35682-255-0

14.00 € TTC

Frais de port inclus France
Métropolitaine uniquement

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Présentation de Mon âne est-il le bienvenu


Ancienne francilienne, depuis quelques années, j’ai pris l’habitude de randonner avec lui, dès qu’arrivent les beaux jours. Lui, c’est Chéri, un croisé grand noir du Berry né dans les années 2000. C’est mon âne. Je l’ai éduqué moi-même à la randonnée. Et pourtant, à l’origine, je n’étais pas du tout dans « le monde des ânes ». Auparavant, avec un autre âne (Nousty), que j’avais loué dans les Pyrénées, j’ai traversé la France d’Est en Ouest, en allant de la frontière italienne, jusqu’à Hendaye. Après quoi, j’ai décidé de quitter les Yvelines et de m’installer dans la très belle région du Perche. Et j’ai acheté mon premier âne…

Je lui ai mis des sacoches sur le dos et nous avons pris la route : quelques jours, quelques semaines ou quelques mois… Nous avons sillonné la France en long, en large et en travers. J’ai souvent voyagé seule, mais parfois accompagnée. J’ai aussi voyagé 2 mois avec juste un « euro symbolique ». Il y a eu des moments périlleux ou simplement inquiétants, comme le passage du pont de Tancarville, l’arrivée de la nuit alors que je n’ai aucune solution d’hébergement, les rencontres d’individus louches, notamment sous une pluie battante, les animaux rôdeurs, alors que je suis dans la profondeur d’une forêt, ou encore l’orage fracassant en montagne. Il me reste aussi le souvenir fort de régions typiques, comme l’Auvergne et ses volcans, la Corse et ses nationalistes ou bien le Mont St Michel et sa nouvelle digue… A certains moments je me suis émerveillée, à d’autres je me suis énervée – notamment lors des caprices de mon âne – parfois j’ai eu des fous rires et parfois des larmes. Mais comme dit la chanson : « Je ne regrette rien… »

 Dans Mon Âne est-il le bienvenu ? vous découvrirez les moments les plus marquants de mes randonnées. Et aussi… la réponse à la question. Mon précédent livre, sur le même thème : Du Soleil dans les yeux et le pas de l’âne comme un cœur qui bat, est le journal de ma traversée de la France avec un âne. Il a été publié chez Yvelinédition.

Bon voyage…

Emmanuelle Grün


Extrait du livre écrit par Grün Emmanuelle


Une question que j’ai souvent entendue : pourquoi l’âne ? Si j’étais née au milieu d’un élevage de baudets, ou simplement dans une ferme à la vie rythmée par le chant du coq et le braiement de Martin, on ne m’aurait sans doute pas posé une telle question. Pourtant, mon idée n’était pas d’aller sur le dos de bourricot, mais simplement de marcher à côté, projet que j’estimais plus modeste. Pourquoi l’âne ? Est-ce que je m’étais, au moins, posé la question ? Sans doute que non : si j’avais vraiment cogité, ma conclusion aurait sans doute été sans appel : mission impossible. En effet, on ne passe pas comme ça de son canapé télé au licol asinien. On ne s’improvise pas ânière en chef, quand l’expérience des ânes se limite à une peluche sur roulettes et à la chanson d’Hugues Aufray, avec le pauvre « Petit âne gris » qui meurt dans son écurie, abandonné de tous. Mais l’inconscience fait parfois faire de belles choses : un jour, j’ai voulu voyager avec un inconnu et cet inconnu, ce fut l’âne.

Bien sûr, je trouvais à cela quelques bonnes raisons pour succomber : l’air terriblement expressif de l’animal, injustement rejeté… son regard doux, ses longues oreilles périscopiques, son maquillage de clown. L’âne et moi, cela pouvait donner un beau duo, un beau couple, en fin de compte : comme deux laissés-pour-compte, nous allions cheminer librement, hors des sentiers battus. Il ne faut pas grand-chose pour façonner une image d’Épinal. S’évader de la modernité, goûter à un bon bol frais d’aventure, changer un train-train quotidien par le clopin-clopant de la docile bête… Bien sûr, cela mettait déjà des rêves plein la tête.

Je me lance…

Mon premier obstacle fut mon balcon de banlieue d’un mètre carré cinquante. Impossible d’y caser un équidé, cela va de soi. Ma liste d’éleveurs en main, je cochais l’endroit choisi pour mon baptême de l’âne : la vallée de Sixt-Fer-à-Cheval, un nom prédestiné, qui me fit partir quatre jours en Haute-Savoie, à la rencontre de Crumble, un Grand noir du Berry déjà rodé aux itinéraires du GR5. N’étant pas encore préparée psychologiquement à vivre une aventure en solo avec bourricot, je cherchais quelques bonnes poires, pardon, volontaires, pour m’accompagner. À mon appel, ce fut, en guise de réponse, la débandade des Romains d’Astérix. Mais deux oublièrent de se sauver : curieusement, une gendarmette et un ancien légionnaire. Racolés à coups de propagandes pro ânes, ces deux militaires, presque une armée, firent ainsi partie de la première expédition.

Dans la vallée, on n’y resta pas longtemps. Il fallut grimper, très haut, très durement, tutoyer des ravins, moi qui ai le vertige, arriver sur des sols nus, à l’ardoise glissante, atteindre des névés éternels. Les marmottes furent là pour nous accueillir. L’eau fraîche du torrent se goûtait dans le creux de la main. Plus de voitures, ni de poteaux électriques, ni d’enseignes publicitaires : une nature intacte, immaculée, avec cascades vertigineuses et eaux limpides d’un lac – Le lac d’Anterne – qui nous faisait voir des cimes blanches à l’envers. Il faut dire que nous étions montés à plus de 2000 mètres, avec juste en face, une vue imprenable sur un mont Blanc, qui fait la fierté des manuels scolaires de géographie.

Pour Crumble, qui portait les 40 kg réglementaires d’affaires et de provisions, l’ascension fut sans doute moins exaltante, mais ce fut lui qui, pourtant, donna son vrai piment à la randonnée. Il fallut composer avec son côté fourbe et ses appétits de bords de chemin. Il fallut découvrir un tempérament, établir une communication, apprendre la psychologie d’un animal, pas si simple que ça. L’âne n’est pas une machine. On ne peut pas le débrancher, une fois qu’on ne s’en sert plus. Les moments d’étapes furent aussi celles d’une grande complicité. Crumble n’était certes pas invité à dormir dans le dortoir du refuge, avec lits en bois, toilettes extérieures et panneaux solaires pour deux heures d’électricité – Il avait le droit à son pré carré – mais le soir il était une présence, une animation, qui ne faisait nullement regretter le JT. Cependant, il fallut quand même l’attacher solidement. Un soir, on dut lui courir après, alors qu’il tentait de regagner la vallée… J’appris, ce jour-là, à me méfier de son regard doux : l’âne a, en vérité, le vice de la fugue sous la peau.

La première expérience de rando asinienne faillit, de cette sorte, virer au fiasco : elle fut, au contraire, une belle parenthèse de bonheur. Trois jours, ce n’est rien et pourtant, quel condensé de vie et de souvenirs !

Au moment du retour, une boule d’émotion dans la gorge. Redescendre, c’était atterrir. L’approche de la vallée se fit doucement, par strates. On entendit tinter les cloches aux cous des vaches. On redécouvrit les voitures, le béton, les poteaux électriques. Les gens semblaient propres, bien habillés, parfumés. On avait l’impression de revenir d’une autre planète.