Champougny Corinne Mortelle foire du livre
194 pages
11 x 18 cm
Style litteraire : Roman
Numéro ISBN : 978-2-35682-397-7
12.50
€ TTC
Frais de port inclus France
Métropolitaine uniquement
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Présentation de Champougny Corinne
éditeur de Mortelle foire du livre
Corinne Champougny signe ici son 9e roman, qui est le quatrième tome des aventures du commissaire Rondeau, figure haute en couleur et devenue presque incontournable dans la cité gaillarde. Et pourquoi suspens ne rimerait pas avec humour ? Ici, le roman policier n'est pas noir, mais léger et pétillant. Une bouffée d'oxygène.
Présentation de Mortelle foire du livre
Mais qui donc a décidé d'exterminer nos auteurs locaux en pleine Foire du livre de Brive ? C'est ce que le commissaire Rondeau aimerait découvrir, bien sûr, mais il est bien difficile d'y voir clair dans cet imbroglio de rumeurs et d'égos malmenés. Même à travers les bulles de champagne…
Extrait du livre écrit par Champougny Corinne
Adeleine n'en pouvait plus. Le monde, le bruit, les bousculades, et maintenant cette foule qui s'agglutinait devant le stand d'un jeune dont il était bien difficile, à première vue, de le rattacher à un genre féminin ou masculin. Les cheveux, c'est comme la fainéantise, ça pousse, ça pousse, ça n'a l'air de rien, et puis un matin on se retrouve chevelu et chômeur, Rmiste et hippie, transsexuel et SDF, au choix. Coupons court. Par ici, il y a un semblant de chemin, à un cheveu près. Madeleine souffle, transpire, son chemisier joliment brodé de fil rose sur l'encolure et les manches colle maintenant à sa maigre poitrine. Elle voulait voir René Combasteil, l'auteur de Un si long été et surtout, surtout de L'Automne de nos vingt ans, mais elle n'a rien vu du tout, à part une foule compacte et en sueur, et l'hermaphrodite chevelu. Elle a beau tourner et retourner son plan dans tous les sens, décidément, elle n'y comprend rien, et bien sûr, il n'y a personne pour vous renseigner, c'est comme dans les grandes surfaces, tout pareil, ah, quand il s'agit d'encaisser, ils accourent, bien sûr ! De toute façon, ils n’auront pas son argent. Elle n'est venue de L'Hôpital Saint Jean, petit village du Lot oublié du commun des mortels que pour voir René Combasteil. Son nouveau roman, Le Printemps oublié, sera sorti. Si c'est le cas, elle demandera à Noémie, dont le fils travaille à Brive et qui l'a véhiculée jusqu'ici, si sa nièce, qui connaît quelqu'un qui est la sœur d'un ami qui travaille dans une librairie, ne pourrait pas lui obtenir le livre avec une réduction. Il faut être malin dans la vie. Ou alors elle l'empruntera au Bibliobus. Mais maintenant, ce qu'elle veut, c'est sortir de cette masse compacte et soulager un besoin bien naturel, surtout lorsque l'on a 73 ans et bu une tisane à la verveine le matin même. S'il fallait écouter les médecins, elle boirait sans arrêt ! Mais ils ne savent pas, eux, qu'avec un estomac aussi petit que le sien, elle est limitée à une tisane le matin et à un verre d'eau, pour les comprimés. Ils verront, quand ils auront son âge, et ils rigoleront moins. Mais pour l'instant, l'urgence se précise. Aussi quand elle aperçoit le symbole tant espéré sur sa droite, n'hésite-t-elle pas à bousculer sans ménagement les inconscients qui se trouvent sur son chemin. Elle pousse la porte trop lourde pour elle et se dirige vers les W.C. Évidemment, devant celui des femmes, la file d'attente grossit à vue d’œil. Elles ne doivent pas boire que de la tisane, marmonne Madeleine en se dirigeant sans hésiter du côté des hommes. Généralement, il y a moins d'attente. Il faut dire qu'eux, ils font ça n'importe où, c'est bien connu. Heureusement que je ne me suis jamais mariée ! Des dégoûtants, voilà tout. Et des incapables en plus, ajoute-t-elle en tentant d'ouvrir la porte bloquée. Bien sûr, c'est monté n'importe comment. Comme s'ils ne pouvaient pas faire des W.C. mieux conçus, mais non, ça coûterait trop cher, et pourtant, de l'argent, ils en dépensent pour cette Foire du Livre, oh ça ! et pour engraisser des hippies en plus, et c'est nos impôts, bien sûr, décrète-t-elle pour terminer en débloquant la porte d'un grand coup de pied avant de tomber de tout son long sur le corps sans vie de René Combasteil. Elle était venue pour le voir. Elle l'a vu. Et de très près.
En littérature, il n'y a pas d'éthique. Ce qui compte, voyez-vous, c'est l'émotionnel, il faut que le mot transcende, c'est ainsi, et j'insiste, c'est ainsi que la littérature s'acheminera enfin vers une dialectique salvatrice. A quoi bon digresser ? La cause est entendue.
Poil au… marmonne Rondeau en terminant sa coupe de champagne. Marie-Noëlle étouffe un petit rire,
s'étrangle légèrement en avalant sa figue au foie gras et termine son verre pour faire passer le tout.
L'espace VIP de la Foire du Livre est complet. Les auteurs, les attachés de presse, les libraires, quelques politiques et une poignée de pique-assiettes se mêlent aux people invités pour booster l'attractivité de la Foire. Tous affichent un sourire béat en enchaînant les coupes de champagne, excellent apparemment. Quant à Xavier Rondeau et à sa compagne, ils ont décidé de faire une petite pause-apéro avant d'aller déjeuner à la Crémaillère. C'est surprenant, c'est exceptionnel, c'est incroyable, c'est même franchement incongru, mais une fois par an, oui, ils mangent autre chose que du cassoulet à la graisse de canard, des entrecôtes-frites, des andouillettes, ou la fameuse mique avec son salé, une fois par an ils mangent gas-tro-no-mique, et, cerise sur le gâteau, aux frais du contribuable. C'est d'ailleurs cette cerise-là qui donne toute sa saveur aux plats. En tant que commissaire, Xavier Rondeau obtient, on ne sait comment, des bons pour manger, midi et soir, dans les restaurants de son choix, pendant la Foire du Livre. Aussi ne s'en prive-t-il pas. Et ce vendredi de début novembre, assis aux côtés de la flamboyante Marie-Noëlle, il boit quelques coupes de champagne offertes gracieusement par une marque de champagne, en rigolant des discussions qu'il saisit ici et là. Ce n'est pas qu'il n'aime pas lire, non, un bon San Antonio de temps à autre n'a jamais fait de mal, mais le snobisme littéraire lui offre un spectacle dont il ne se lasse jamais. La Foire du Livre et son espace VIP sont sa récréation de l'année. D'ailleurs, il s'y installe confortablement et y passe les trois jours que dure la Foire. Le champagne est bon, les représentations permanentes et le niveau, au fil des années et de la participation des people, ne fait que progresser. Une véritable pièce de théâtre. Gratuite. Arrosée. Confortable. Le rêve.
Xavier, c'est bientôt l'heure. J'ai réservé pour 12h30, lui murmure Marie-Noëlle en ramenant une mèche rouge derrière son oreille.
Tu as raison. Et puis, on va faire des heureux en libérant deux places… temporairement. Je reviendrai m'installer après le repas. Il faut bien qu'un représentant de l'ordre reste présent. On ne sait jamais. Et s'il fallait compter sur les agents…
Tu as raison. Au fond, je me dis que c'était plutôt une bonne nouvelle que tu n'aies pas eu ta mutation cette année. On peut profiter d'une nouvelle édition de la Foire du Livre. A Limoges, c'est pas pareil.
Moins marrant.
Ça c'est sûr. Ici, au moins, on rigole. Enfin, toi, surtout. Parce que moi, sur le stand de la Médiathèque… à part me coltiner des marmots toute la journée…
Horreur, enfer et damnation ! Allez, on y va. J'ai faim, moi. Xavier Rondeau se lève du canapé d'angle qu'il occupait avec sa compagne. Aussitôt, une asperge aux cheveux ébouriffés s'installe à sa place avec un petit soupir d'aise. Le commissaire aurait reconnu un célèbre présentateur télé s'il avait eu la télévision, ce qui n'est pas le cas. Il exècre les écrans, quels qu'ils soient. Dommage. Oui, bien dommage. Car avec les événements qui vont se succéder, il va être obligé d'accepter les feux de la rampe. Et ça, reconnaissons-le, nous promet quelques réjouissances.
Cédric Rocca inspire un bon coup avant de retourner aux toilettes. Ce petit bol d'air lui a fait du bien. Même sous la pluie. Il a regardé pendant cinq minutes les bus et les voitures passer quai Tourny, des groupes de visiteurs de la Foire du Livre courir sous des parapluies, un chien attaquer une poubelle, bref, la vie qui continuait. Maintenant, il retourne dans l'odeur des urinoirs pour contempler le corps de René Combasteil. L'auteur de romans régionalistes est couché sur le ventre, les bras en croix. Sa belle chemise blanche, auréolée d'une magnifique tache rouge en son centre, est sortie du jean et laisse voir le bas des reins. Quant au couteau, toujours planté dans le dos, il est l'objet de toutes les attentions de la Scientifique descendue en urgence de Limoges. Le légiste est déjà reparti et Cédric commence à trouver le temps long. Comme d'habitude, le commissaire lui a confié la tâche la plus ingrate : garder le corps. Comme s'il allait disparaître ! Mais Rondeau est un rancunier de la pire espèce, et depuis une certaine histoire d'oignons*, il a décidé de considérer Cédric comme l'agent le plus toxique de l'Hôtel de police. Mais ce n'est pas grave. Plus rien, d'ailleurs, n'est grave depuis la naissance du petit Clément. Entre les nuits sans sommeil, la fatigue des rhumes, l'émerveillement des premiers pas, non, décidément, il n'a pas le temps de se plaindre. Ni le temps ni le désir. Ce qui est très bien.