Gonçalves Nelson R.I.P. - Recueil de nouvelles
248 pages
A5 : 14.8 x 21 cm
sur papier 80 g bouffant ivoire
Style litteraire : Science-fiction
Numéro ISBN : 979-10-91980-02-9
17.50
€ TTC
Frais de port inclus France
Métropolitaine uniquement
maintenant
Présentation de R.I.P. - Recueil de nouvelles
R.I.P. - Rest is Prohibited est un monde contemporain basé sur l'univers du jeu de rôle du même nom, créé par Eillea Ticemon.
Dans ce cadre, les personnages, mandatés par les puissances divines pour enquêter sur la disparition mystérieuse de certaines âmes, sont renvoyés sur Terre après leur mort et n'auront que douze heures d'incarnation éphémère avant de sombrer dans la folie.
Une mission loin d'être de tout repos car ils croiseront toutes sortes de créatures liées à des factions plus ou moins hostiles aux dieux majeurs comme les Seeds, les Purificateurs, les Renaskiĝoj et les Oubliés.
Découvrez au travers de dix nouvelles originales le parcours haletant des Envoyés du Nouveau Purgatoire et les dangers qui les attendent.
Extrait du livre écrit par Gonçalves Nelson
- Mais quel con !
C’est la troisième fois ce mois-ci que je retrouve mes gants trempés, tout ça parce que Kevin adore faire des blagues. C’est vrai qu’on s’ennuie vite quand on s’occupe de la sécurité d’un centre de données, mais de là à toujours faire la même blague… Kevin est arrivé depuis deux mois seulement, et même s’il bosse bien, je ne peux pas m’en plaindre, il adore faire des blagues, et pas toujours de très bon goût. Il a trouvé ce travail grâce à un ami à lui qui bossait déjà chez Microtof, l’entretien n’a été qu’une simple formalité. J’aurais dû avoir des doutes dès notre première journée de travail, quand il a commencé à me raconter ses blagues, qui tournent pour la plupart autour des mêmes sujets : les musulmans, Dieu et les putes. Je n’ai rien contre les uns ou les autres, je ne sais pas si Dieu existe ou non, je suis plutôt quelqu’un de tolérant, pour dire à quel point ses blagues peuvent me paraître lourdes à force. Puis il s’est mis à me faire d’autres blagues puisque je ne rigolais pas particulièrement à ses histoires. Scotcher des objets, cacher mes affaires, colorier des dents en noir dans mes magazines de moto… C’est sûr, ça occupe et ça brise la routine de notre travail, mais c’est fatigant.
J’accroche mes gants toujours humides à ma ceinture de sécurité, je sors de la salle de surveillance vidéo et, comme toutes les heures, je pars faire ma tournée. Je suis seul ce soir, Kevin a eu sa soirée pour aller fêter les trente ans de son pote Christophe, sous couvert du décès de sa grand-mère d’après ce que j’ai compris. C’est pas encore demain qu’il arrivera frais. Ce n’est pas la première fois qu’il fait le coup, et je ne sais pas trop comment il se débrouille, mais on ne lui pose jamais vraiment de questions. Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas la deuxième fois que sa grand-mère décède.
Je prends l’ascenseur, troisième étage, salle de calcul. Ce qu’il me manque, c’est un chien, un beau doberman pour m’aider, ce genre de brave bête qui ferait tout pour vous. C’est sûr qu’on serait bien tous les deux ensemble à surveiller, ça changerait des caméras. Un chien ça a une sacrée truffe, plus efficace que les systèmes les plus sophistiqués. Pourquoi l’entreprise paye autant pour un système de surveillance alors qu’avec quelques chiens je suis sûr que ce serait aussi efficace ? Et si plusieurs ça coûte trop cher, déjà un ce serait bien.
Allée froide Alpha. Et puis on pourrait jouer à la balle, avec la place qu’il y a ici, et personne pour venir nous ennuyer. Quand j’ai demandé un chien l’année dernière on m’a dit que les poils risquaient de créer des problèmes de surtension, des poils, non mais vraiment, encore une excuse à la noix !
Allée chaude Beta. Au lieu de ça, je suis obligé de me balader tout seul, et surveiller ces centaines de rack, toujours les mêmes, alignés là dans l’ombre comme autant de coffres-forts de données. À surveiller pourquoi d’ailleurs ? Qui viendrait ici voler quoi que ce soit ? Des données du gouvernement, d’accord, mais pour quoi faire ?
Allée froide Gamma. C’est pas qu’on peut rien en faire de ces données, j’imagine bien que des gens en font quelque chose, sinon elles ne seraient pas stockées ici et sous bonne surveillance. Sûrement que des gens malhonnêtes pourraient apprendre que M. Dupont a fait deux excès de vitesse l’année dernière et monnayer cette information, ou que Mme Dupont a des arriérés d’impôts depuis deux ans… Ce que j’en vois, c’est que tout ça ne sert pas à grand-chose d’autre qu’à faire vivre mes employeurs, et moi par la même occasion, ce qui est déjà une bonne chose, enfin, je crois.
Allée chaude Delta. J’aime bien me voir comme un fonctionnaire des grandes corporations. Je suis l’huile qui permet à tous les rouages de cette grande machine qui m’emploie de fonctionner. Ce serait intéressant que je comprenne un peu les autres rouages, mais ça ne changerait rien à mon quotidien, des gens savent mieux que moi, et je perdrais trop de temps alors que j’ai tant de choses à faire. Mais ? ! Qu’est-ce que c’est que ça… Un rat ? Non… Un rat ici ? Mais comment est-il entré ? Il y a des caméras partout et toi, un rat, tu as réussi à entrer jusqu’ici ? Peut-être que si je fais du bruit…
- File, file de là sale bestiole ! Allez, file !
Tiens, ce rat n’est pas peureux, et à part le faire me regarder, ça ne semble servir à rien de crier. Qu’est-ce qui traîne et qui pourrait me permettre de le faire fuir ? J’ai bien la boîte de mon repas, mais elle est encore pleine et je devrais redescendre pour aller la prendre, le rat se sera barré le temps que je revienne. Ah tiens, et si je lui lance ça dessus, ça peut fonctionner. Tiens, hop !
- Prends ça !
D’abord une étincelle, puis un arc électrique est généré par le contact inattendu entre le gant encore humide que je viens de lancer sur le rat et le dernier rack en cours d’installation. Manque de bol, je me retrouve au milieu. C’est con, je suis grand, et je n’ai jamais su bien viser. Un bruit de tonnerre, et tout devient noir.
Pas longtemps.
Je suis allongé sur le dos. J’ouvre les yeux, doucement, encore groggy du coup de jus que je viens de me prendre. La lumière est aveuglante. Je cligne des yeux, j’arrive finalement à les ouvrir complètement. Je regarde autour de moi, tout est blanc, étincelant. Je n’arrive pas à savoir si c’est grand ou petit, et ces murs blancs, est-ce que si je tends le bras je peux en toucher un d’ici ? Il n’y a plus de racks, il ne fait plus trop chaud, ni trop froid. À vrai dire, il fait exactement la température que j’aime, c’est agréable. Je resterais bien là, allongé… Cette couleur, ça me rappelle un peu le blanc de certaines coques de téléphone, un blanc un peu trop voyant et qui va se tacher au bout de quelque temps à le manipuler. Je n’ai jamais trop aimé ce type de couleur, difficile à manipuler avec les doigts sales, on rachète une nouvelle coque plus blanche parce que celle qu’on a est pleine de traces. Je préfère les coques noires, c’est moins salissant, surtout quand on fait mon métier. Mon esprit s’égare. Et c’est si agréable de se laisser porter par ses pensées.
Ça fait combien de temps que je suis allongé là ? Allez, debout, c’est pas tout ça, mais où suis-je ?…
– Mais, qu’est-ce que c’est que ça ?
Au milieu de ma cuisse, une lumière blanche. Et mes mains sont brûlées. Mes vêtements également. C’est quoi ce bordel ? Et voilà que j’ai encore cette lumière au niveau de l’épaule. C’est bizarre, on dirait… de la colle. Pleins de filaments de colle, comme quand je jouais avec la colle en tube lorsque j’étais au collège, à la mettre entre les doigts, à les ouvrir et les fermer rapidement tout en soufflant dessus, les filaments blancs s’envolaient pour aller se coller partout. D’après les traces de brûlures, il devrait y avoir un trou à la place, je ne devrais pas être en vie, alors pourquoi est-ce que je me trouve ici ? Non de dieu mais qu’est-ce…
- On ne blasphème pas !
Une voix, venue de nulle part, comme une symphonie de milliers de cordes vocales.
- Et de toute façon, la vie ça craint, ça n’a plus rien de sexy désormais.
C’est quoi cette voix ? Au-dessus de moi, une figure se dessine, aux contours pas très nets. On dirait un homme, bien que sa voix puisse être celle de n’importe qui et de mille personnes à la fois. On dirait qu’Il porte des lunettes et un col roulé.
- Vous… Vous êtes Dieu ? Ça veut dire que je suis mort ?